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La
danse à l'école : une nécessité
La
danse est un art du mouvement
Jouer
de ses coordinations motrices, hors de toutes contraintes
utilitaires et compétitives : voilà qui motive les enfants , les
plus petits. Mais aussi les plus grands pour peu que l'on sache
contourner les résistances, les incompréhensions. Il s'agit de lier
ces expériences à une culture artistique :
Bouger
: un plaisir et un besoin. Initialement lié à la survie dans
l'histoire de l'évolution.
Avec
la complexification des modes de vie de l'espèce humaine le
mouvement, exploré et travaillé pour lui-même, est devenu un mode
de représentation symbolique de l'humaine condition, comme d'autres
domaines artistiques qui s'appuient sur les sons, les images, le
verbe...
On
conçoit aisément l'ancrage esthétique : à l'image de la musique
qui organise les sons, la danse travaille le rythme, le phrasé par
le geste et les déplacements , les variations d'intensité et
de vitesse en prise directe avec des variations de la tonicité . Les
corps en mouvement découpent, architecturent l'espace, tracent des
lignes de fuite, imposent des volumes...Des correspondances
artistiques facilement reliées avec des oeuvres visuelles, sonores,
scéniques, à faire voir à des enfants.
Les
danses, qu'elles soient populaires ou savantes, sont toujours le
résultat d'une histoire culturelle en phase ( ou en rupture) avec
des époques, des courants de pensée, des contrées. Cette réalité
forge bien sûr l'image que s'en font les enfants.Pourtant, quand
elles atteignent une haute technicité, fruit d'évolutions propres à
chaque style, elles ne peuvent pas constituer une référence majeure
dans le cadrede l'école pour tous.
En
revanche les racines de toutes danses c'est à dire l'ancrage dans
les sensations, les jeux avec la pesanteur, le temps, l'espace, les
autres, l'environnement, offrent un support à un engagement
corporel. Ce qui permet d'inscrire de l'indicible là où une mise en
forme verbale ne le permettrait pas.
La
danse travaille à l'émergence du plaisir émotionnel qui nourrit le
mouvement, ce qui fait une part de sa dimension artistique.
A
l'école, on fait souvent découvrir aux élèves le plaisir de
danser à partir de leurs propres inventions, tandis que les
professionnels de la scène, même s'ils ont participé à
ll'émergence de la matière de la pièce par leurs improvisations,
se plient aux exigences de l'univers du chorégraphe lors de l'
interprétation.
"la danse à l'école
n'est pas l'école de danse" proclame Marcelle Bonjour
La
danse c'est beaucoup l'art des nuances dans le geste, le lieu des
variations de forces, de
dynamismes, traduisant un engagement émotionnel que le chorégraphe
Alwin Nicolaïs a nommé "le Motion",
qui signe une bonne part de la
singularité du chorégraphe comme celle de l' interprète.
Dans
une perspective de représentation, même avec des petits, on
n'évacue pas pour autant l'école de la rigueur : savoir mémoriser,
peaufiner, reproduire, respecter des exigences......à la condition
de sauvegarder un engagement corporel habité par l'émotion.
Relier
les plaisirs ludiques du mouvement aux processus de la création
artistique, il s'agit là une priorité éducative qui se révèle
bien plus prioritaire qu'il n'y paraît :
Le
"danser ensemble" convoque des aventures qui développent
l'empathie : capacité
de ressentir ce qu'éprouve l'autre, de communiquer avec l'autre.
Les découvertes récentes en neuro-sciences (des neurones "miroirs"
spécifiquement sollicités dans la perception d'autrui) coïncident
avec ce que l'on met en jeu : la complicité de l'écoute entre
partenaires.
Le processus empathique (qui ne préjuge pas de la qualité artistique) circule entre les interprètes, mais aussi en direction du public. Quelque soit le contexte : professionnel ou amateur, sur le plateau du théâtre ou sur l'estrade de l'école.
Développer la sensibilité par la danse met en jeu tout ce qu'on commence à connaître sur les racines de la connaissance et des inter-actions sociales.
Tous les enfants aspirent à "devenir grands" On peut les y aider par une prise en compte du sensoriel : à la lumière des connaissances en neuro-physiologie, on soupçonne fortement que tout le système organique innervé interviendrait dans les prises de conscience, de mise en action, de réflexion sur l'action. Il est convoqué dans son ensemble pour un accès à la conceptualisation.( voir les travaux de *françois Guite)
Or le mouvement est en inter-action directe avec les sensations, qu'elles proviennent des perceptions de l'environnement (l'extéroception) ou de l'activité corporelle conscientisée (la proprioception). Les enfants dans la petite enfance construisent cet ancrage organique des savoirs. D'où la nécessité d'exercer de tels fondements A tout âge la danse représente un atout particulier (majeur) pour enrichir le développement sensoriel.
En
travaillant en profondeur l'affinement de la conscience corporelle,
on restructure une coordination motrice plus fluide, ergonomique, qui
soulage les tensions et prévient les blessures. Ce
qui explique l'intégration de ces " pratiques somatiques"
* depuis plusieurs années dans les formations professionnelles des
artistes de la scène.
Il
semblerait, à la lumière des modèles proposés par les
neuro-sciences que ces réorganisations du schéma corporel influent
sur l'organisation du psychisme. La sensibilité émotionnelle
s'enracinant semble-t'il dans les sensations.
Des
travaux en science de l'éducation de Daniel Favre (neuroscientifique
et professeur universitaire à Montpellier) soulignent :
"L'état
émotionnel du sujet interfère en permanence dans le traitement des
informations et dans la
construction des représentations...Il
n'y
a donc pas de fonctionnement cognitif indépendant d'un
fonctionnement émotionnel".
Des
sensations au sensible, du sensible à l'émotionnel et au
conceptuel, on perçoit à quel point l'éducation artistique est
inextricablement liée à l'éducation en général.
Et
une éducaton artistique doit se frotter abssolument avec les acteurs
qui font la culture : les créateurs, les artistes, les médiateurs,
les oeuvres.
Dans
un partenariat artiste – enseignant.chacun, des partenaires ne
pourra jamais remplacer l'autre.
Un
artiste en particulier, s'il a le goût de la transmission, apporte
une inégalable intuition sensible qu'il conjugue à sa connaissance
du domaine artistique pour emmener les enseignants et les élèves
dans les aventures du processus créatif. Ce parcours nécessaire
n'est actuellement pas généralisé.
Cependant
mettre en danse des enfants concerne tous les protagonistes qui
s'engagent dans une éducation artistique via cette pratique.
Un
certain nombre de situations classiques d'entrées dans
l'activitésont connues , des documents en répertorient.
Toutefois
un des écueils de la pédagogie de la danse à l'école tient dans
un contresens pédagogique souligné par plusieurs artistes qui
témoignent dans ce dossier : vouloir plaquer des méthodes
didactiques pré-établies au lieu d'être dans l'incertitude
accueillante de ce qui va arriver. Hors pour qu'advienne un
déclenchement authentiquement créateur chez l'enfant, il faut
accepter un positionnement équivalent chez l'enseignant : un
dialogue dans l'aventure, et non une manipulation vers un but
pré-déterminé.
On
s'inspire aussi de systémes d'écriture chorégraphique via des
formations et des rencontres avec les artistes Mais on a peu de
chances de déclencher le processus artistique chez les enfants si le
regard porté sur leurs réponses n'abandonne pas tout dogmatisme.
La
qualité de la relation pédagogique favorable relève du dialogue
qui "cherche avec", en sachant reconnaître cet état
émotionnel particulier à la fois au jeu et au fonctionnement
poétique.Et les enseignants, même dans le cadre d'un travail
partenarial, ont besoin d'acquérir une confiance dans leurs
références culturelles, de réveiller en eux-mêmes une dimension
créative afin de faire corps avec le même processus chez les
élèves.
C'est
un moment magique que celui du plaisir artistique partagé par tous
pendant un atelier.Un cheminement magique aussi quand tout un projet
de classe s'organise autour d'un projet culturel qui relie la
pratique à la connaissance.
On
sait de plus en plus combien ces projets infléchissent une dynamique
de classe vers la réussite, en renforçant profondément l'estime de
soi des élèves et leur appétit d'apprendre.
:
Relier
une pratique personnelle et collective à la connaissance d'une
culture...
Relier
des connaissances qui prennent sens via le cheminement d'un projet
artistique...
Relier
une pratique culturelle au développement de des potentialités de
la personne...
En
résumé : faire rencontrer la danse et l'art chorégraphique aux
élèves dans le cadre l'école.
Anne
Sachs
- François
Guite:
http://www.francoisguite.com/2007/07/les-neurosciences-et-la-joie-dapprendre/
- Les pratiques somatiques cf Ivan Joly : http://fr.yvanjoly.com/images/4/42/Def_pages_educ_som-fr.pdf
- daniel favre : http://www.crdp.ac-versailles.fr/Ressources-numeriques/Podcasts-audios/Conference-Comment-l-eleve-apprend/